Le projet de ferme que je développe à Dunham au Québec, s'inspire de l'histoire et des principes agricoles du Jaden Lakou. Je vous propose donc un court voyage dans le temps aux Antilles afin de découvrir toute la petite histoire derrière le nom "Jardin Lakou". D'abord, une courte définition Le Jardin Lakou (ou jardin créole) est un élément du patrimoine agricole et culturel haïtien et antillais. Il s'agit d'un jardin traditionnel organisé autour de la maison du paysan haïtien (la case ou "lakay") dans lequel les plantes sont cultivées manuellement et où sont combinés la culture maraîchère et horticole. Qu’en est-il de ses origines ? Le jardin créole s'inscrit dans le prolongement d'une longue tradition de jardins depuis l'époque des Arawaks. Il est possible d’identifier, au moins, trois types de jardins qui ont significativement influencés le Jaden Lakou à travers le temps :
L’ichali des Arawak À la préhistoire, les habitants du continent américain étaient surtout des chasseurs-pêcheurs. Il y a plus de 5 000 ans, apparaissent les premiers agriculteurs antillais : les Arawaks venus d’Amazonie. Les plus connues des peuplades arawaks sont les Taïnos, qui vivaient principalement sur l'île d'Hispaniola, à Porto Rico et dans la partie orientale de Cuba. Ceux qui peuplaient les Bahamas s'appelaient les Lucayens. Le système agricole des Arawaks reposait sur le système de culture sur abattis-brûlis. Les hommes coupaient les arbres, les herbes puis les entassaient au pied des grands arbres avant d’y mettre le feu. La cendre était ensuite récupérée afin d’engraisser le sol. La parcelle vierge ainsi créée était appelée « savana ». Par la suite, les femmes procédaient à la plantation et au bouturage d’où le nom d’Ichali (jardin). Déjà à cette époque, le jardin avait un rôle social très important. Initialement, les Arawaks ne cultivaient que des variétés douces et amères du manioc pour en faire des galettes et de l’alcool. Ils complétaient leur alimentation par la cueillette de fruits, la chasse et la pêche. Avec le temps, le coton fut introduit, notamment pour la fabrication des filets, des hamacs ainsi que des tissus. Afin de ne pas épuiser les sols au terme de deux récoltes, les Arawaks abandonnaient la parcelle pour aller cultiver ailleurs. On peut qualifier leur culture d’itinérante. Le jardin des Kalinagos Peu de temps après l’arrivée des Arawaks, un autre peuple fit son apparition, les Caribes ou les Kalinagos, originaires du Venezuela. Ils étaient des chasseurs et des agriculteurs. Eux aussi entretenaient l’Ichali. Cependant, ils introduisirent de nouvelles espèces comme la pomme de terre, le maïs, la cacahuète, le piment, l'ananas, la patate douce et le tabac. On y retrouvait aussi des plantes médicinales, ainsi que des plantes utilisées pour la fabrication d’objets pratiques et décoratifs comme le cachibou et le calebassier. Le jardin vivrier des esclaves Au 17e siècle, le commerce triangulaire prend son essor et les colons européens vont déplacer des millions d’esclaves africains afin de les forcer à travailler dans les plantations situées principalement dans les Antilles, au Brésil et dans les colonies américaines. En 1685 le Code Noir imposera, entre autre, aux colons européens de nourrir leurs esclaves avec des rations de « deux pots et demi de farine de manioc par semaine ». Certains planteurs décideront alors de contourner le Code Noir en attribuant aux esclaves des terres pour que ceux-ci puissent assurer eux-mêmes leur alimentation. Certains esclaves auront aussi la possibilité de vendre leurs surplus. Grâce aux semences soigneusement conservées lors de la longue traversée de l’Atlantique, les esclaves, provenant surtout de l’Afrique de l’Ouest, introduiront la culture de l’ocra, des variétés de riz, de l’igname, du plantain et différents herbages. Deux types de jardin feront alors leur apparition :
Après l'abolition graduelle de l’esclavage dans les Antilles, le Jaden Lakou (jardin créole) fera plus officiellement son apparition et se développera aussi bien autour de l’habitation du paysan que sur les terrains laissés libres par les colons - souvent sur des terrains pentus ou des mornes difficiles d'accès. Le Jardin Lakou aujourd’hui ! Le jardin Lakou joue aujourd’hui un rôle d’appoint alimentaire, médicinal et ornemental. Cette approche permet de valoriser les ressources biologiques, organiques et minérales présentes et de protéger les sols. Malheureusement, il tend à disparaître à cause de l’urbanisation. Le changement durable commence dans son assiette avec les Jardins Lakou Le site des Jardins Lakou à Dunham au Québec s'inspirera des principes du jardin créole pour ses aménagements et par le patrimoine culturel qui y est associés (tel le Konbit) pour mobiliser les communautés antillaises et africaines montréalaises autour du projet de ferme. Aux Jardins Lakou, le principe d’Ujima (Travail collectif et Responsabilité - Troisième principe des Nguzo Saba de Kwanzaa) est ancré à même la mission de l’entreprise qui est de « Nourrir, par ses produits maraîchers sains et durables, une communauté montréalaise diversifiée, et, inspirer, par nos événements et formations, les afro-descendants et les membres des communautés culturelles à renouer avec leurs racines et traditions ancestrales encourageant ainsi le respect de la terre et de ses fruits. » Les objectifs que j’ai pour la ferme sont les suivants :
Bien plus que « juste une ferme » les Jardins Lakou sera pour les jeunes, les centres communautaires et les familles, un espace de rencontre en nature pour travailler la terre ensemble, suivre des formations et échanger sur les traditions culinaires qui font la richesse des populations d'ascendance africaine et des premières nations des Amériques. Vous n'êtes surement pas les seuls à partager ma vision et mon enthousiasme à mettre de l’avant les traditions culinaires africaines, alors, j’aimerais, maintenant, vous inviter à contribuer à ce projet en vous procurant un abonnement aux paniers des Jardins Lakou et, aussi, que vous preniez le temps de la partager avec vos collègues et vos amis qui pourraient en profiter. À bientôt ! Jean-Philippe Vézina Maraîcher et entrepreneur social Facebook: https://www.facebook.com/JardinsLakou Instagram: https://www.instagram.com/jardinslakou |
Jean-Philippe VézinaMaraîcher, entrepreneur social, DJ et Blogueur. Archives
Juin 2022
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